Review: Les Enfants de l’Ô

Yzabel / February 14, 2014

(Review in French, since it concerns a French book.)

Les Enfants de l'ÔLes Enfants de l’Ô by Vanessa du Frat

My rating: [rating=5]

Résumé:

Alia, 2340

Un étrange signal apparaît sur les écrans de surveillance ECO. Ludméa, jeune stagiaire envoyée sur le terrain pour chercher son origine, se retrouve en pleine tempête, au cœur de la forêt de Gonara. L’affaire semble intéresser de près Ruan Paso, directeur adjoint des départements militaires pour la recherche scientifique, un homme plein de secrets.

Terre, 2066

Les jumeaux Line et Lúka tentent de survivre sous le joug d’un père violent, obsédé par ses manipulations génétiques. Leur existence triste et routinière est chamboulée le jour où Lúka désobéit aux ordres en laissant s’évader un sujet d’une importance capitale… ce qui ne restera pas sans conséquences pour le futur.

Les Enfants de l’Ô nous fait voyager entre deux mondes, deux époques et nous fait découvrir les destins croisés de personnages énigmatiques. Mêlant saga familiale, drame psychologique et science-fiction, ce premier tome pose les jalons d’une série qui s’annonce captivante.

Critique:

Cette critique est un peu délicate à écrire, car j’admets avoir une relation toute spéciale avec ce roman, que j’ai connu pour la première fois fin 2006, alors qu’il était encore publié sur internet. Cette version-là était différente de celle que j’ai à présent entre les mains, mais le gros des éléments qui la constituaient, et que j’appréciais à l’époque, est toujours là… et je l’aime toujours autant.

LEO (j’abrégerai le titre de cette manière) est avant tout une histoire de psychologie, sur fond de science-fiction. Si la SF n’est pas votre fort, vous pourrez tout de même apprécier le roman — tout comme les éléments SF qui y sont présents pourront vous plaire si vous êtes un(e) lecteur (lectrice) plus chevronné dans ce domaine. Il est également assez spécial, dans ce sens où il fait véritablement partie d’une saga: vous ne trouverez pas dans ce premier tome une histoire à peu près complète, et dans les suivants d’autres histoires complètes, avec des personnages récurrents d’un volume à l’autre. Au contraire, l’ouvrage soulève peut-être bien plus de questions à la fin qu’il n’apporte de réponses, chose qui peut soit agacer, soit faire trépigner d’impatience – tout dépend de quel type de lecteur vous êtes.

Ce début de saga se déroule principalement en deux lieux et deux époques différentes: Alia en 2340, une planète qui semble être une colonie, et dont les habitants sortent tout juste d’une guerre avec une planète rivale; et la Terre en 2066. Cinq personnages principaux se partagent la vedette: d’un côté Ludméa et Ruan sur Alia, de l’autre les jumeaux Line et Lúka sur Terre; au milieu, Lyen, arrachée à sa famille alors qu’elle n’était qu’une enfant, destinée à ne mettre au monde des bébés que pour mieux se les voir arracher, dans le cadre d’expériences génétiques menées par le père des jumeaux. Tout ce petit monde est lié par bien des secrets, dont certains se dévoilent de façon très subtile, et d’autres sont tout juste esquissés, voués à n’être pleinement révélés que plus tard.

Par ailleurs, tous semblent également partager, que ce soit en tant qu’acteurs ou victimes, un curieux Don, jamais exactement nommé, mais dont les effets se précisent peu à peu – et rarement à de bonnes fins. Ce Don leur permet d’échapper aux conséquences d’actions qui autrement auraient dû leur coûter cher… mais pour combien de temps? Un conseil: faites bien attention aux tout petits détails à ce niveau…

LEO se déroule surtout en huis-clos étouffants (la zone de quarantaine sur Alia, le Laboratoire sur Terre), qui permettent par là même de mettre d’autant mieux en lumière les différentes psychés en présence. Les personnages sont constamment confrontés les uns aux autres en des lieux dont ils ne peuvent s’échapper; ne peuvent échapper ni à eux-mêmes, ni au regard des autres; et si de beaux sentiments parviennent à s’y développer, d’autres, plus noirs, prennent également le pas. Les thèmes abordés traitent en effet de certains aspects assez sombres de la psyché humaine: domination, dissimulation, hypocrisie, couples brisés, lâcheté, voire inceste et meurtres (dans de tels lieux, quoi de surprenant à ce qu’un drame survienne?). Bien qu’ils essayent souvent de se voiler la face, ces mêmes personnages n’y parviennent pas toujours, et les excuses qu’ils se trouvent n’en sonnent que plus faux, ne font que montrer encore plus à quel point ils sont complexes, pleins de défauts autant que de potentiel. C’est pour moi une facette fort appréciable de cet ouvrage qui, en filigrane, les dévoile tels qu’ils sont. Il frappe de plus par moments avec une précision clinique: pas de scènes sanguinolentes gratuites, mais des actions chirurgicales, nettes, précises, à l’impact plus fort de par l’économie de descriptions.

Un autre aspect intéressant que je pense devoir noter: le rôle des femmes dans ce roman. Contrairement à un certain nombre d’ouvrages où les personnages féminins nous sont présentés comme “forts” alors qu’ils sont en fait “bridés”, ici, c’est l’inverse qui semble se passer. Lyen: prisonnière, violentée, violée dans son corps comme dans son esprit. Line: enfermée dans le laboratoire, son frère étant son seul contact avec le monde extérieur. Ludméa: l’intruse, dans un centre de recherches empli de militaires aussi bien que dans une relation qui autrement aurait été censée bien se passer. Ylana: belle, intelligente, génie de la microbiologie, mais exhibée comme une sorte de trophée. Et pourtant, on se rend compte au fil de l’histoire que ces femmes à première vue “simplistes” sont peut-être bien vouées à être les plus fortes, celles qui contrôlent tout en arrière-plan, celles par qui les véritables changements et révélations surviendront… avec tous les chamboulements que cela implique.

Si ces thèmes quelque peu crus vous rebutent, si vous préférez des histoires riches en scènes d’actions, ou encore de la science-fiction de type hard science, LEO ne vous conviendra sans doute pas. Par contre, si les paradoxes temporels, les histoires d’amour tordues, les manipulations génétiques et/ou virales, ou encore les pouvoirs étranges vous intéressent, dans ce cas, il n’y a pas à hésiter.